Partagez l’article

Le Private Equity (actifs non cotés) est-il déjà au pied du mur ?

Entre panne de distributions et recomposition du modèle, le capital-investissement traverse une zone de turbulences. Mais le marché secondaire ouvre des pistes de rebond.

Une classe d’actifs en manque d’exits
Les signaux d’alerte se multiplient dans la presse financière : « Le Private Equity espère la fin de la saison sèche », titrent Les Échos ; « Un piège à capitaux ? », interroge le Financial Times… Le constat est clair : la remontée brutale des taux d’intérêt depuis 2022 grippe la mécanique bien huilée du non coté. Les fonds peinent à céder leurs participations au prix espéré, retardent leurs distributions, et voient leurs investisseurs s’impatienter. Même Yale, l’un des plus prestigieux fonds de dotation universitaires américains, prévoit de céder 30 % de son portefeuille non coté, soit près de 6 milliards de dollars.
 

Selon Bain (rapport Mid-Year 2025), les fonds créés entre 2010 et 2017 n’ont retourné que 60 % de leur capital investi à leurs souscripteurs, contre 80 % attendus en rythme historique. Or les besoins en liquidité des investisseurs institutionnels (fonds de pension, dotations, assurances) ne peuvent être différés indéfiniment.

Le marché secondaire sort de l’ombre
Pour faire face à cette situation, un marché attire l’attention : celui des fonds secondaires. Ces structures rachètent, en cours de vie, des participations dans des fonds existants, souvent à prix décoté. Evercore, dans sa dernière étude sur le marché secondaire 2024, souligne que ce segment a pris une ampleur inédite, avec un doublement des transactions initiées par les gérants eux-mêmes (fonds de continuation) ou par les investisseurs. Malgré certaines critiques liées aux conflits d’intérêts, le marché reste globalement sain. Les décotes y sont devenues la norme, et les acheteurs exigent une discipline stricte sur les valorisations.
D’ailleurs, les performances parlent : l’indice RPEI affiche une performance annualisée de 7 % pour les fonds secondaires sur 2022-2024, contre 3,6 % pour les fonds Buyout classiques, selon Ramify. De quoi repositionner ces stratégies comme une réponse intelligente à la crise de liquidité du secteur.

Moins de levier, plus d’expertise
Au-delà du choc conjoncturel, c’est tout un changement de paradigme qui s’opère dans le Private Equity. Le levier financier, qui représentait jusqu’en 2022 la principale source de création de valeur, voit son efficacité s’émousser. La hausse du coût de la dette et la stagnation des multiples imposent un recentrage stratégique : désormais, seule la croissance organique (du chiffre d’affaires et des marges) peut soutenir la performance des fonds.
 

Selon McKinsey (Global Private Market Report 2025), la part de la valeur ajoutée tirée de la croissance intrinsèque des entreprises dépasse désormais celle générée par les effets d’ingénierie financière. Ce virage oblige les fonds à développer une vraie expertise sectorielle, à accompagner les dirigeants et à renforcer leur capacité d’exécution.
 

Un retour à l’essentiel, en somme, pour une classe d’actifs qui doit réconcilier performance et transparence. La reprise des deals Buyout observée depuis le printemps 2025 pourrait bien marquer le début d’un nouveau cycle — plus lent, mais plus sain.
 

Sources : Bain, McKinsey, Evercore, Ramify
 


Sur le même sujet...

Argent au quotidien : L’addition invisible des pièces rouges
Bourse : des vents porteurs… mais un risque de change à surveiller